Ebranlé(e) par la crise ? Comment renouer avec votre souveraineté intérieure et réinvestir autrement votre mission de leader.

La crise actuelle nous affecte tous, parfois en profondeur. Cette déstabilisation intime nous offre l’occasion de grandir en tant qu’être humain et de retrouver notre pouvoir d’action sur le monde grâce à une vision renouvelée de notre travail et de notre entreprise.

Par Romain Cristofini

Après 18 mois de crise planétaire, le monde d’avant ne reviendra pas. Nous voici très probablement rentrés dans ce que le prospectiviste Marc Halevy nomme la « phase de chaos » : cette période (pouvant se chiffrer en années ou en décennies) qui surgit lorsqu’un paradigme de société s’écroule tandis qu’un autre, encore incertain, cherche à advenir.

Pour beaucoup d’entre nous, la situation actuelle se traduit par beaucoup de confusion, d’inconfort ou de mal-être. Comment pourrait-il en être autrement ? Et surtout, comment retrouver paix et croissance en cette période partie pour durer ?

La crise sanitaire est devenue sociale et démocratique. Elle questionne, voire mets à mal le modèle de société que nous aimions penser immuable… Car ses répercussions très concrètes dans notre quotidien (dans notre santé, nos déplacements, nos loisirs) nous harponnent et nous forcent à réintégrer l’histoire en tant que protagoniste et acteur : nous ne pouvons plus – comme nous en avions peut-être pris l’habitude – regarder passivement l’histoire se dérouler sous nos yeux ni confier aveuglément les affaires courantes à des élites elles aussi dépassées.

Cette crise qui s’est immiscée au cœur de nos vies vient plus profondément encore questionner le monde dans lequel nous vivons et – pour celui perçoit le carrefour historique dans lequel nous nous trouvons actuellement – celui que nous souhaitons léguer à nos enfants.

Alors, comment faire face à cette période en tant que personne et en tant que décideur ? Comment garder son cap, conserver une forme d’équanimité et nourrir son enthousiasme pour offrir un leadership à la fois authentique, respectueux d’autrui mais engagé et responsable ?

Je crois que la situation actuelle nous invite à considérer deux attitudes complémentaires et salutaires:

RECONQUERIR SA SOUVERAINETE INTERIEURE

  • La 1ère consiste à s’efforcer de reconquérir notre souveraineté intérieure.

Et si, sur un plan spirituel, le cadeau de la crise était là, comme une invitation au réveil à soi-même ?

On n’échappe pas durablement à des émotions intenses (ou on finit par les somatiser).

Alors que nos vies souvent encombrées nous maintiennent souvent à distance de nous-mêmes, la situation actuelle, violente et inédite, nous force à prendre conscience des vents intérieurs et contraires qui nous traversent. Il devient de plus en plus difficile de ne pas se mentir, de ne pas voir les incohérences entre notre mode de vie et l’état de la planète, de ne pas se positionner pour ou contre un vaccin quand il s’agit de nos enfants, de ne pas se questionner sur la hiérarchie de nos valeurs entre santé, sécurité et liberté, de ne pas se demander à quoi sert véritablement notre travail…

Aujourd’hui, le simple fait d’exprimer (ou de taire) un avis critique sur la gestion de la crise devient un acte de courage (ou de fuite). Ce type de situations nous tend alors un miroir sans complaisance sur nous-même et notre action en tant que citoyen ou professionnel. La crise nous contraint à regarder de plein pied nos renoncements et nos défaites vis-à-vis de nous-mêmes. En réalité, la Vie – au travers de cette crise – nous révèle à nous-même et nous invite à intégrer puis dépasser nos ombres pour grandir en sagesse et nous positionner en tant qu’homme ou femme responsable dans cette société qui se cherche.

Ce qui est en jeu n’est autre que notre souveraineté intérieure. Celle qui nous permet de demeurer libre et intègre pour prendre des décisions en accord avec soi, quels que soient les évènements extérieurs.

On raconte que Gandhi, au début d’une journée particulièrement importante et chargée, eut cette phrase : « Habituellement, je médite une heure par jour. Aujourd’hui, je méditerai deux heures ».

Cultiver cette souveraineté consiste à mes yeux à adopter et pratiquer – plus encore qu’avant – une discipline d’intériorité (quelle qu’elle soit : méditation, yoga, marche, introspection…) pour disposer d’un espace intime et compassionnel pour accueillir et transmuter les émotions qui nous assaillent.  

La souveraineté se poursuit ensuite dans nos choix conscients d’agir – ou de ne pas agir au sens taoïste du terme – face aux situations qui s’imposent à nous aujourd’hui (me faire vacciner ou non ? appliquer « à la lettre » ou plutôt dans l’esprit les directives gouvernementales, désobéir, résister ?).

Agir de manière souveraine, c’est avoir pris le temps de passer ses décisions au tamis de ses valeurs, de ce qui est non négociable vis-à-vis de soi-même sans négliger ses limites ni ses peurs. C’est avoir écouté son intuition, ses tripes et son corps qui parfois, sont plus explicites et clairvoyants que le mental. C’est enfin sortir du mode binaire dans lequel les medias nous enferment depuis des mois (le « être pour ou contre », du « bon ou du mauvais côté ») pour lui préférer une pensée souple et détachée de l’ego qui cherche à avoir raison et rechigne à changer d’avis.

Cet espace de réflexivité (être pleinement avec soi) et de pleine conscience est à la fois salutaire pour traverser la période actuelle et précieux pour sortir des « autoroutes de pensée » et des conditionnements qui empêchent aujourd’hui beaucoup de leaders d’incarner le changement.

REPRENDRE SON POUVOIR PERSONNEL

  • La 2ème attitude consiste à considérer son entreprise (son travail) comme un microcosme dans lequel il est possible de reprendre son pouvoir personnel pour redevenir acteur du monde

Personne n’a le pouvoir de changer à lui seul la situation d’un peuple ou d’une société. Cette impuissance de fait est exacerbée par la crise actuelle et a tendance à nous maintenir dans le désarroi, la colère, le renoncement voire le cynisme. Nous subissons les évènements. L’être humain est ainsi fait : conscient des nombreux tourments du monde, il est sans cesse confronté à son incapacité à les résoudre et il en souffre. Vivre et dépasser cet « écartèlement ontologique » est l’un des passages obligés de l’évolution spirituelle.

Pour sortir de cet état d’impuissance dont nous sommes victimes, il devient urgent (et presque vital) de renouer avec notre « zone de pouvoir » pour redevenir acteur de notre existence.

Chacun peut – et a fortiori un manager ou un dirigeant ayant des responsabilités – agir et contribuer à créer autour de lui un monde conforme à ses valeurs et à l’idéal qu’il souhaite voire advenir. L’entreprise est le lieu parfait pour cela : elle est à la fois un espace de vie en société, une communauté humaine et vivante et un formidable terrain d’expérimentation et de diffusion de valeurs, de mode de fonctionnement et de biens qui peuvent faire advenir dès maintenant le monde de demain.

Ainsi, là où beaucoup de managers seront tentés de se jeter à corps perdu dans le travail pour « s’oublier eux-mêmes » et mettre la crise à distance, il est possible pour le leader éclairé de se réinvestir différemment dans son travail en initiant ou accélérant un projet qui lui tient à cœur et avec lequel il se sent parfaitement aligné.

Pour prendre une image, cette attitude consiste à faire de l’entreprise votre « écovillage à vous », en référence à ces communautés d’hommes et de femmes qui n’attendent pas l’avènement de la société parfaite mais commencent à la vivre concrètement, dès maintenant et à leur échelle.

Souveraineté intérieure et sentiment d’agir sur le monde correspondent aux deux facettes de notre condition humaine que sont l’ « être » et le « faire ». Quand ces deux dimensions sont en accord, la paix puis la joie se réinvitent souvent dans notre vie. 

Romain Cristofini – 25 août 2021

 

 

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